Le chercheur Antonio Javier Sutil Jiménez présente dans cet article les informations les plus pertinentes de l’étude « Évaluation intensive des fonctions exécutives dérivée de la performance dans des jeux d’entraînement cognitif », à laquelle a participé notre plateforme de stimulation cognitive, NeuronUP.
Auteurs et universités impliqués
Cette étude est issue de l’Étude PENSA, qui avait pour objectif d’examiner l’effet sur la progression du déclin cognitif grâce à une intervention personnalisée axée sur le maintien d’un mode de vie sain, complétée par un composé naturel du thé vert appelé épigallocatéchine gallate. L’Étude PENSA a été dirigée par le Barcelonaβeta Brain Research Center (BBRC) et l’Institut Hospital del Mar d’Investigations Médicales (IMIM), avec la collaboration d’autres universités espagnoles et de NeuronUP pour explorer de manière innovante les fonctions exécutives par le biais d’une surveillance à distance.
Parmi les auteurs, la conceptualisation de cette étude a été réalisée par Natalia Soldevila-Domenech, Ilario de Toma et Rafael de la Torre, membres de l’IMIM. Des chercheurs de l’Université Pompeu Fabra de Barcelone, de l’Institut de Santé Carlos III, du Centre de Recherche Biomédicale en Réseau sur la Fragilité et le Vieillissement Sain (CIBERFES) de Madrid, ainsi que de la Monash University de Melbourne ont participé à l’analyse des données, à leur interprétation ou à la rédaction du manuscrit. Par ailleurs, la participation d’Iñigo Fernández de Piérola et Carolina Sastre de NeuronUP a été essentielle pour la collecte des données, afin d’éviter tout conflit d’intérêt concernant les résultats de l’étude.
Population cible
La population cible de cette étude était composée de personnes sans déclin cognitif, âgées de 60 à 80 ans. Plus précisément, un sous-groupe de 56 personnes de l’Étude PENSA a été sélectionné, comprenant 23 hommes et 33 femmes dans la tranche d’âge mentionnée. Les participants ont intégré progressivement l’étude en groupes de 9 à 14 personnes.
Tout d’abord, il a été vérifié qu’il s’agissait d’une population à risque accru de développer la maladie d’Alzheimer car ils étaient porteurs du gène APOE-ε4. Ensuite, une évaluation neuropsychologique standardisée a été réalisée pour confirmer que les participants n’avaient pas de déclin cognitif et que leurs scores étaient normaux. De plus, les participants devaient répondre aux critères de déclin cognitif subjectif (DCS).
Déclin cognitif subjectif (DCS)
Le déclin cognitif subjectif (DCS) est la perception persistante d’une personne de connaître une diminution de ses capacités cognitives par rapport à son état normal. Ce terme a été introduit il y a environ une décennie pour identifier un risque accru de développer un déclin cognitif léger ou la maladie d’Alzheimer chez les personnes ayant cette perception subjective.
Ce concept est d’une actualité majeure et, depuis sa création, le nombre d’études liant le DCS au déclin cognitif n’a cessé d’augmenter. Pour plus d’informations, il est possible de consulter l’étude publiée dans Lancet Neurology* où José Luis Molinuevo, également auteur de l’étude ici analysée, a participé.
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Évaluation – Traitement
Programme d’entraînement cognitif
Le programme d’entraînement cognitif a été conçu avec 36 activités de neuroréhabilitation issues de la plateforme NeuronUP, que les participants ont réalisées à distance sur leurs ordinateurs ou tablettes.
Dans un premier temps, les participants ont reçu une formation en présentiel sur l’utilisation de la plateforme et ont effectué deux courtes séances pour se familiariser avec les activités. Après cet atelier en présentiel, un plan d’entraînement conçu par des neuropsychologues a été mis en place. Il comprenait 8 activités liées aux fonctions exécutives, 6 à la mémoire, 6 au langage, 6 à l’attention, 7 aux compétences visuo-spatiales et 3 à l’orientation. Ces activités ont été sélectionnées pour couvrir divers domaines cognitifs liés à la maladie d’Alzheimer et ont été mises en œuvre une fois par mois au cours de 12 séances. Ces séances ont été réalisées à raison de 2 ou 3 par semaine, chaque séance comprenant 3 activités d’environ 10 minutes chacune.
Le programme complet a duré 12 mois. Les deux premiers mois ont été consacrés à la familiarisation des participants avec le fonctionnement des jeux pour contrôler les effets d’apprentissage, et les données de cette période n’ont pas été analysées. Les performances du troisième mois ont été utilisées comme mesure de la capacité de base, en supposant qu’à ce moment-là les participants auraient atteint leur niveau optimal dans chaque jeu. Ainsi, le troisième mois a été considéré comme référence initiale. Les performances des mois 4 à 12 ont été utilisées pour surveiller les changements cognitifs au fil du temps.
Un système de notation a été conçu pour évaluer les performances mensuelles de chaque jeu. La notation NeuronUP consistait en un nombre entier faisant référence au niveau de difficulté joué le plus fréquemment, et un décimal reflétant les exercices réussis, échoués et le temps utilisé. Utiliser le niveau de difficulté joué le plus fréquemment comme critère a été considéré comme conservateur pour évaluer le changement cognitif, et l’inclusion d’un décimal augmente la variabilité des scores au sein d’un même niveau de difficulté.
Fonctionnement des activités
Il y avait deux types d’activités présentant entre 9 et 12 niveaux de difficulté différents. Ces deux types d’activités étaient : (1) les fiches d’exercices, qui ne changeaient pas automatiquement de niveau de difficulté, et (2) les jeux, qui changeaient automatiquement de niveau. Dans les jeux, le niveau initial était 2-3, celui-ci variait en fonction des performances du participant. Pour avancer d’un niveau, il était nécessaire de réussir correctement 5 activités, et pour descendre de niveau, il fallait échouer à 3 activités. Bien que le même nombre d’activités ait été administré chaque mois, la difficulté pouvait varier puisque le niveau de départ était le niveau maximum de difficulté atteint le mois précédent.
Exemples d’activités
- Balance the Bags (Équilibrer les sacs): Une personne apparaît à la caisse du supermarché et doit placer tous les produits dans des sacs. L’activité consiste à calculer le poids de chaque produit pour que chaque bras supporte le même poids.
- Home Delivery (Livraison à domicile): Plusieurs bâtiments s’allument à tour de rôle. L’activité consiste à se souvenir de l’ordre dans lequel ils se sont allumés et à le reproduire dans l’ordre inverse.
Tests traditionnels et comparaison avec les versions de NeuronUP
Suite à l’évaluation neuropsychologique réalisée dans le cadre de l’Étude PENSA, une évaluation approfondie incluant une mesure de la cognition globale a été réalisée. Ce résultat principal de l’Étude PENSA a été le Alzheimer Disease Cooperative Study Preclinical Alzheimer Cognitive Composite (ADCS-PACC) et une version modifiée (ADCS-PACC-plus-exe) incluant le score d’Interférence du Stroop et la Flexibilité du FDT. Le Mini-Mental State Exam (MMSE) et le Montreal Cognitive Assessment (MoCA) ont également été utilisés pour évaluer la cognition globale, ainsi que le test de fluidité verbale sémantique des animaux et le Boston Naming Test.
Pour évaluer les fonctions exécutives, les tests suivants ont été inclus : WAIS Digit Symbol Substitution Test, WAIS Visual Puzzle Test, WAIS Digit Span Test (score des chiffres inversés), le Five Digits Test (FDT) pour la flexibilité et le score mot-couleur du Stroop Colour and Word Test. La mémoire a été évaluée avec le Free and Cued Selective Reminding Test (FCSRT) en mode rappel libre immédiat (IFR) et différé (DFR), ainsi que le sous-test de Mémoire Logique (LM) de la WMS en rappel immédiat (IR), différé (DR) et reconnaissance.
Pour l’analyse et l’interprétation de ces données, des scores composites de mémoire (NPS-MEM) et de fonctions exécutives (NPS-EXE) ont été créés en moyennant les scores standardisés Z.
En ce qui concerne la comparaison entre les tests traditionnels et les évaluations à distance via NeuronUP, il est nécessaire de préciser que la sélection des jeux liés aux fonctions exécutives était basée sur des mesures neuropsychologiques traditionnelles des fonctions exécutives. Ces mesures neuropsychologiques traditionnelles ont également été administrées dans l’Étude PENSA, ce qui permettait de comparer les deux ensembles de mesures des fonctions exécutives. En revanche, les jeux de mémoire de NeuronUP n’ont pas été analysés car ils se concentrent sur la mémoire visuelle, tandis que les tests traditionnels de mémoire disponibles dans l’Étude PENSA mesurent la mémoire épisodique verbale, et ne sont pas comparables en tant que mesures de la mémoire.
Résultats obtenus
Validité et fiabilité du modèle
Pour étudier la validité, un modèle représentant le score global des tests de fonctions exécutives a été créé. La validité de ce modèle global a été testée par une analyse factorielle confirmatoire.
Le processus pour étudier la validité a commencé par la création d’une structure factorielle basée sur les 8 tests de fonctions exécutives de NeuronUP (NeuronUP EXE, le modèle créé peut être consulté dans la figure 1 de l’article original). Deux de ces tests ont été exclus du modèle en raison de faibles corrélations avec les autres scores. Ensuite, le modèle a été calibré et testé, obtenant un bon ajustement. Le modèle hypothétique a obtenu un ajustement dans l’échantillon de calibration de : χ2(9) = 10, p = 0.383 ; comparative fit index [CFI] = 0.99 ; robust mean square error of approximation [RMSEA] = 0.035 ; et standardized root-mean-square residual [SRMR] = 0.059.
En outre, la charge des facteurs pour chaque jeu était significative et supérieure à 0.5. La moyenne de la variance extraite était modérée (0.41) et la fiabilité, mesurée par le coefficient alpha de Cronbach, était adéquate (α = 0.81). Le modèle a également été testé à 6 mois et 12 mois, confirmant la validité du modèle et améliorant légèrement les scores de fiabilité. Ces résultats peuvent être consultés dans l’article original.
Validité convergente et discriminante du modèle
Pour étudier la validité convergente et discriminante du modèle, les scores globaux des fonctions exécutives et de la mémoire issus des tests neuropsychologiques et de la plateforme NeuronUP ont été utilisés.
6 mois | 12 mois | |
NeuronUP EXE vs Neuropsychologie EXE | r = 0.66 | r = 0.57 |
NeuronUP EXE vs Neuropsychologie MEM | r = 0.45 | r = 0.37 |
De plus, la mesure NeuronUP EXE a montré une forte corrélation avec les mesures de cognition globale, notamment avec l’ADCS-PACC (r = 0.65), l’ADCS-PACC-plus-exe (r = 0.63) et le MoCA (r = 0.47), ainsi qu’une corrélation modérée avec le MMSE (r = 0.42). Enfin, un tableau des corrélations entre la mesure NeuronUP EXE et certaines mesures traditionnelles est présenté ci-dessous.
Domaine | Test | Mesure de base | Mesure à 6 mois | Mesure à 12 mois |
Fonctions exécutives | FDT Flexibility | r = 0.10 | r = 0.40 | r = 0.41 |
Digit span backwards | r = 0.34 | r = 0.46 | r = 0.35 | |
Mémoire | FCSRT IFR | r = 0.34 | r = 0.40 | r = 0.15 |
LM recognition | r = 0.27 | r = 0.20 | r = 0.35 | |
Autre mesure | Boston Naming Test | r = 0.66 | r = 0.66 | r = 0.66 |
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Adhérence à la plateforme
L’adhérence moyenne à l’intervention de formation cognitive était de 73,8 %. Presque tous les participants (94,6 %) ont complété au moins la moitié des sessions d’entraînement. Un résumé de l’évolution de l’adhérence au cours des 12 mois de l’entraînement est présenté dans le tableau suivant.
Mois | 1 | 2 | 4 | 7 | 11 | 12 |
Adhérence moyenne (%) | 44,2 | 73,2 | 77,1 | 82 | 78,9 | 68 |
De plus, la majorité des participants (48 sur 56) ont répondu à une enquête en ligne sur l’intervention. Dans cette enquête, presque tous ont indiqué avoir les connaissances nécessaires pour utiliser la plateforme, affirmant à plus de 80 % qu’elle était facile à utiliser. Jusqu’à 70 % d’entre eux ont estimé que leur motivation était restée élevée tout au long de l’étude, considérant la périodicité comme adaptée.
Conclusion
À partir de l’étude PENSA, il a été décidé d’étudier une cohorte de patients atteints de DCS afin de prévenir une possible évolution vers une maladie neurodégénérative. Cette étude a validé la création d’une mesure des fonctions exécutives basée sur la performance cognitive dans des jeux réalisés sur la plateforme numérique NeuronUP.
Les résultats de l’étude soutiennent la validité de ces mesures grâce à une surveillance mensuelle à distance permettant de détecter des changements dans les fonctions exécutives tout en minimisant les effets d’apprentissage. La minimisation des effets d’apprentissage est obtenue en ajustant automatiquement la difficulté à la capacité individuelle, fournissant des mesures fiables de la performance optimale de chaque participant après des tests répétés. Cela suggère que cette mesure pourrait être utile pour surmonter les limites des méthodes traditionnelles d’évaluation neuropsychologique. De plus, l’adhésion à l’intervention de formation cognitive était élevée, et les participants ont évalué positivement l’utilité de la plateforme numérique.
Bibliographie
- Natalia Soldevila-Domenech, Ilario De Toma, Laura Forcano, Patrícia Diaz-Pellicer, Aida Cuenca-Royo, Beatriz Fagundo, Thais Lorenzo, Maria Gomis-Gonzalez, Gonzalo Sánchez-Benavides, Karine Fauria, Carolina Sastre, Íñigo Fernandez De Piérola, José Luis Molinuevo, Antonio Verdejo-Garcia, Rafael de la TorreIntensive assessment of executive functions derived from performance in cognitive training games, iScience, Volume 26, Issue 6, 2023, 106886,ISSN 2589-0042,https://doi.org/10.1016/j.isci.2023.106886.
- * The characterisation of subjective cognitive decline. Jessen, Frank et al. The Lancet Neurology, Volume 19, Issue 3, 271 – 278